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jeudi 21 décembre 2017

Les premiers avis, apperçus sur la trisomie 21


Dans la littérature médicale, de nombreux débats ont lieu sur les origines temporelles de la trisomie 21 (J.M. Starbuck, 2011). A.E. Mirkinson (1968) et E.P. Volpe (1986) (tous ces hommes sont des chimistes ou des biochimistes), en constatant que les particularités cliniques de cette maladie chromosomique ne semblent pas avoir été individualisées avant la description faite par Down, se demandent s’il ne s’agit pas d’une pathologie récente.  Une interrogation nettement formulée par T.E. Cone (1968) et par H. Zellweger (1968).



Cependant la description tardive de la trisomie 21 peut s’expliquer par plusieurs raisons :


    Les enfants affectés avaient une santé fragile, à une époque où les soins médicaux étaient médiocres.

    La fréquence dès naissances porteuses d’une trisomie 21 augmente avec l’âge maternel, surtout à partir de la quarantaine. Il y a quelques siècles, seulement la moitié des femmes dépassait l’âge de 35 ans, ce qui réduisait le nombre de mères potentiellement porteuses d’un enfant atteint (J.M. Starbuck, 2011).

 Seule deux approches peuvent apporter une réponse au problème de l’ancienneté de la trisomie 21 :



- L’ostéo-archéologie.  L’étude des malformations squelettiques provenant de nécropoles très anciennes a permis d’identifier des cas parfois très probants, parfois seulement vraisemblables, de trisomie 21 (P. Charlier). Un cas concernant le squelette d’une femme indienne vieux de 5200 ans pourrait correspondre à une trisomie 21 (1991), mais sans certitude formelle. La description par J.R. Brothwell (1960) d’un squelette datant des années 700 à 900, trouvé dans un cimetière, à Breedon-on-the-hill dans le Leicestershire (Royaume-Uni) et dont les caractéristiques correspondent à une trisomie 21 paraît possible.  Et encore l’étude d’un cas de trisomie 21 identifié sur un squelette qui date de la fin du Vème siècle par D. Castex et al. (2009) paraît très démonstrative.


-L’étude de la pathologie révélée par les œuvres d’art. Dans les arts visuels, la représentation de la trisomie 21 se trouve dans des œuvres sculptées, des figurines, des vases, dont la réalisation remonte aux civilisations grecques les plus anciennes pour s’étendre à celles de l’Amérique précolombienne et, à partir de la Renaissance, dans un nombre significatif de tableaux. Voici  quelques exemples de certaines de ces œuvres :



- Diamandopoulos et al (1997) ont décrit une idole en argile qui, selon eux, daterait de 5 000 ans environ avant J.C. ce qui correspond au néolithique . Elle montre des fentes palpébrales obliques et une racine du nez effondrée. La présence d’une trisomie 21 sur cette idole a été suggérée sans preuve convaincante. Si le diagnostic proposé était exact, il s’agirait de la représentation la plus ancienne de cette trisomie.




- Parmi les civilisations précolombiennes, l’art olmèque qui s’est développé entre 1 200 avant J.C. et 500 après J. C. a montré une grande maîtrise de la sculpture de la figure humaine. Les Olmèques étaient de fins observateurs des pathologies humaines et les représentaient avec beaucoup de réalisme et de soin. Une place importante est donnée à l’homme-jaguar, figure hybride où le corps humain et la figure de l’animal sont imbriqués. Selon G. Milton et R. Gonzalo (1974), plusieurs figurines olmèques présentent les caractéristiques de la trisomie 21 , un statut particulier aurait été attribué aux individus atteints de ce syndrome, parce qu’on pensait qu’ils étaient le fruit d’un accouplement entre une femme et le jaguar, divinité majeure chez les olmèque. Cependant  la civilisation Olmèque est très peu connue. De plus, c’est la population la plus ancienne du Mexique  et elle avait un stade de développement très avancées.



- En Europe, c’est à partir de la Renaissance que des peintres ont représenté sur leurs tableaux des enfants dont les traits du visage évoquent la trisomie 21. D’autres tableaux, dus à des peintres italiens et flamands, sont plus convaincants. Parmi les œuvres qui peuvent évoquer une trisomie 21, il faut mentionner trois tableaux d’Andrea Mantegna : La Madone et l’enfant (Figure 1) , La Vierge et l’Enfant (Figure 2), la Vierge et l’Enfant avec Saint Jérôme et Saint Louis de Toulouse( Figure 3). Andrea Mantegna a eu quatorze enfants, dont l’un aurait été atteint de trisomie 21. Ce fait pourrait expliquer qu’on en trouve la figuration dans son œuvre. Selon une autre hypothèse, ce serait le portrait d’un enfant de la famille de Louis III Gonzague, marquis de Mantoue (B. Stratford, 1982).



Il paraît certain qu’ils n’étaient ni rejetés ni exclus de façon systématique à partir du moyen âge, comme c’était le cas dans les temps les plus reculés de l’Antiquité gréco-romaine, en particulier à Sparte. Il est plausible que la société christianisée, ainsi que d’autres civilisations, se montraient tolérantes pour ce qu’elles percevaient peut-être comme un retard mental moyen, améliorable par une éducation patiente et attentionnée. L’étude des œuvres d’art montre que la trisomie 21 est une pathologie très ancienne. En effet la trisomie 21 est probablement aussi ancienne que le chromosome 21. Selon F. Richard et B. Dutrillaux (1998), qui ont étudié l’évolution chromosomique, il s’est formé il y a 30 à 50 millions d’années. L’homme a deux chromosomes de moins que le singe, car deux chromosomes ont fusionné, il y a plusieurs millions d’années, pour former le chromosome 2 humain, ramenant ainsi le nombre de chromosomes à 4. Chez les grands singes anthropoïdes ( nos plus proches parents ), le chromosome homologue du 21 humain porte le n° 22. La trisomie 22 a été observée chez le chimpanzé  et chez l’orang-outan . C’est l’équivalent de la trisomie 21 chez l’homme, ce qui se traduit par des signes cliniques très semblables, y compris pour les différences faciales. C’est ainsi que l’épicanthus de la langue se voit chez le chimpanzé trisomique. Il paraît établi que la trisomie 21 remonte aux premiers temps de la lignée des primates et pourrait être la conséquence d’une mutation chromosomique dont l’histoire est vieille de plusieurs dizaines de millions d’années.



Même si les art et les traces archéologiques sont très démonstratives, elles ne peuvent remplacer les faits concrets et vérifiés par la communauté scientifique  et par des textes écrits. C’est pourquoi voici une liste des plus importants découvertes sur la trisomie 21 avérés jusqu’à la découverte de Jérôme Lejeune :


     Dans l’antiquité : Platon (427-348 av. J.-C.) et Aristote (384-322 av. J.-C.)  évoquent dans certain de leur récit les personnes atteint de trisomie 21 en des termes peu élogieux et péjoratifs. Platon fait mention des personnes ayant une déficience intellectuelle, il recommande notamment de les rejeter et de les cacher. Quant à lui, Aristote réclame, dans sa Politique, que seuls les enfants normaux doivent être élevés.




Puis il faut attendre le Moyen Age pour trouver d’autres témoignages :

- Dans un écrit d’un grand abbé de l’ordre Saint Hugues datant de 1070. Il dit que ces frères, malgré leurs talents, ne purent être ordonnés prêtres parce qu’ils n’avaient pu apprendre à lire, à écrire et à dire la messe. Suit plus loin une description de ces frères aux yeux bridés.



- Dans les archives du château de Chenonceau, on retrouve un texte relatif à la reine Claude de France, femme de François 1er, dont le chroniqueur nous décrit la « disgrâce physique », pure description de femme atteinte de trisomie.



-Des tableaux de l’époque de Rubens, dont certains sont attribués au peintre (1577-1640), représentent de jeunes princes atteints de trisomie, richement parés siégeant à leur place aux côtés de leur Empereur de Père.


-Un tableau daté du règne de Louis XIV (1638-1715) représente un général, manifestement trisomique, allant à cheval au combat


-1785 : J.F. Esquirol parle dans ces écrits, d’enfants atteints « d’états de stupeur »  qu’il qualifie ensuite d’idiots  incurables.



-1840-1885. E. Sequin reprend le travail d’Esquirol et cherche à démontrer les potentialités de ces enfants handicapés mentaux en créant à Paris la première école recevant ces enfants qu’il veut éduquer. Il a également partcipé à la création de centre aux Etats-Unis. Cependant ni Esquirol, ni Sequin ne parlent ou ne décrivent des enfants atteints de trisomie. Ils parlent d’idiots, de retardés mentaux.




- 1866 : John Langdon Down a été frappé par la ressemblance des traits du visage, chez certains d’entre eux, avec ceux des individus originaires de la Mongolie. Il écrit qu’ “un très grand nombre d’idiots congénitaux sont typiquement Mongols… Si on les met côte à côte, il est difficile de croire que ces spécimens ne sont pas, si on les compare entre eux, les enfants des mêmes parents”. En partant de cette observation, Down pense que les individus atteints de ce syndrome diffèrent des autres arriérés mentaux et les désigne par les termes "d’idiots mongoloïdes”.



- 1909 : Un texte de l’Académie nationale de médecine reprend le descriptif de Down suivi d’un commentaire évoquant des « êtres frustres, à l’évolution lente, qui rappellent le mongol qui sommeille en tout homme »



- 1924 : Reprise d’une théorie fréquemment invoquée à l’époque pour des problèmes divers où il est dit en résumé que la naissance d’un enfant mongolien est révélatrice « il y a quelque part un grand-père qui a fauté. Et quand les parents mangent des raisins verts, les enfants grincent des dents ». On sait toutes les conséquences que cette théorie eut pendant des années pour ces enfants que les familles se sont mises à cacher.



-1952 : Bernheim, médecin lyonnais, publie sa théorie qu’il intitula « les lois du hasard » et il évoque pour expliquer la naissance d’enfant mongolien la thèse de l’accident, du hasard inexpliqué provoquant ce qu’on appelait le « mongolisme » et ce, hors de toutes références sociales ou héréditaires.



- 12 décembre 1959 : Publication fondamentale de l’équipe R.Turpin, J.Lejeune, M.Gauthier : la mise en évidence d’un chromosome surnuméraire au sein de la cellule permet d’identifier une maladie jusqu’à la inconnue et de situer les problèmes à leur vraie place, à savoir comment aider les personnes concernées par cette maladie. Pour la première fois, une pathologie, cliniquement bien reconnue, est rattachée à une anomalie chromosomique précise et bien définie. Le Syndrome de Down change de statut : de tare mystérieuse, il devient une maladie génétique : la trisomie 21. Toutefois, ce fut plus tard encore que l’on comprit toutes les conséquences de cette découverte. En révélant la présence d’un chromosome surnuméraire au sein d’une cellule, on peut enfin commencer à aborder les problèmes de façon différente. 





Pour conclure, avant la découverte de Jérôme Lejeune, plusieurs théories ont vu le jour. C'est à partir de 1959 que les personnes atteintes de trisomie 21 sont reconnues et par ailleurs permet l'évolution des mentalités de l'époque.




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